top of page

Le Dernier homme

2 juillet 2018​

​

Je me suis plongé dans une œuvre peu connue de Mary Shelley, (celle-là même qui a créé en 1818 le monstre de Frankenstein). Cinq ans plus tard, en 1823, à 26 ans, elle nous entraîne à travers une longue saga romantique (660 pages) jusqu’au bout du genre « post-apocalypse » : Le Dernier homme.

​

Le récit d’anticipation commence en 2073 pour s’achever en 2100 « dernière année du monde ».

N’attendez pas ici de grandes transformations techniques sur la Terre. Tout au plus est-il question d’aérostats (des ballons volant à 800 m. d’altitude) et de bateaux à vapeur, attestant « le pouvoir de l’homme sur les éléments ». Ainsi frôle-t-elle le genre SF, tel que je l’ai défini : Présupposant le « progrès » de la science et des techniques, la SF met en scène la réalisation d’un grand rêve ou d’un grand cauchemar, sous la forme d’un phénomène impossible jusqu’à preuve du contraire. Plus précisément, il s’agit d’une SF visionnaire (impliquant une certaine vision ambiguë de la Nature, voir mon blog http://explorerfuturs.blogspot.ch/search?q=SF ou celui de Gapdy http://jcgapdy.blogspot.ch/search?q=yessouroun)

​

En effet, dans ce récit pathétique, la Nature est tantôt un paradis (la vue de Genève depuis le Jura !), tantôt un enfer (la tempête qui noie les derniers compagnons survivants du héros ou son errance solitaire dans les jardins redevenus sauvages de Rome).

On peut distinguer deux parties dans ce roman « désastrophile ».

​

La première est un long préambule qui met en scène les amours et les conflits de pouvoir vécus par les principaux personnages.

​

L’Empire britannique n’est plus un royaume, mais une république libre, prospère et heureuse ! La Chambre élit régulièrement un « Lord protecteur », sorte de président. Deux ombres à ce tableau idyllique : la nostalgie de la monarchie du parti royaliste et une guerre lointaine entre les alliés Grecs et les Turcs, guerre incarnant la lutte que se livrent « la civilisation et la barbarie » (p. 225). On se débarrasse assez facilement des royalistes, mais avec les Turcs, c’est plus difficile. Comment « chasser d’Europe une puissance qui, alors que toutes les nations progressaient dans la voie de la civilisation, demeurait immuable » (p. 257) ?

Les Ottomans vont résister avec acharnement, mais ne pourront éviter la défaite, ce qui incitera les champions de la chrétienté à reconquérir Constantinople (l’Istanboul actuelle). En fait, la ville turque est déjà tombée avant son siège : elle a été ravagée par la peste. Le fléau avait frappé l’Égypte et s’était répandu jusqu’en Asie. Ainsi la reprise de l’ancienne capitale de l’Empire byzantin, l’ancien Empire romain d’Orient maudit l’humanité.

La seconde partie décrit la progression de la maladie, qui va déferler sur la Terre entière. Les malheurs s’enchaînent : en Europe de l’Ouest et notamment sur « l’île perdue au milieu des nuages » (l’Angleterre), aux villes et campagnes décimées, les immigrés venant d’Amérique, alliés aux Irlandais, se transforment en pilleurs sauvages.

​

Plus personne ne lit, chacun est obsédé, traqué par la peste qui circule partout sans le moindre frein. Cependant, une nouvelle calamité menace les survivants de plus en plus rares : un « prophète » rassemble sous sa bannière divine quelques centaines de fidèles fanatiques persuadés que le Créateurs les a élus pour échapper à la contagion implacable, jusqu’à ce que des pestiférés apparaissent dans les rangs de ces intégristes et conduise leur chef au suicide.

Enfin, après la mort de sa femme, de sa sœur, de ses enfants et de ses plus proches amis, c’est dans la Ville éternelle que le dernier homme écrit ses mémoires pour un éventuel lecteur miraculé…

​

Bref, on le comprend, difficile de trouver vision plus sombre, plus pessimiste, même si, je n’en doute pas, des romans contemporains excellent eux aussi dans la mise en scène du total désespoir.

S'abonner

Merci pour votre inscription!

©2021 by Robert Yessouroun. Proudly created with Wix.com

bottom of page