Le bréviaire des robots, Stanislas Lem
7 juillet 2020 .
La science-fiction gagnerait à miser davantage sur le rire. Après la lecture de l’excellent « Service après-vente » de Victor Fleury dans le Galaxies no65, nouvelle qui se défoule, non sans grincements robotiques, sur un comptoir des réclamations, vrai cul de sac intégral, mon humeur trempée dans l’humour m’a amené à relire un petit livre qu’à l’époque j’avais parcouru un peu trop vite.
Stanislas Lem, auteur du très sérieux « Solaris », révèle sa facette comique dans ce recueil de courts récits, cinq voyages interplanétaires. Son titre, mal traduit, « Le bréviaire des robots », en mériterait un autre, plus fidèle, comme « Journal intime interstellaire ». Paru en 1983, ce livre de 150 pages, illustré par Druillet (pas au meilleur de sa forme, en l’occurrence), recèle une mine de trouvailles, de créatures, de gadgets farfelus. Bref, dans le genre SF cocasse, difficile de faire mieux.
Quel en est le fil conducteur ? Le héros, rédacteur du journal, est un voyageur du cosmos qui quitte sa pagaille quotidienne pour affronter des planètes et leurs hurluberlus dont l’étrangeté et les entourloupes entraînent des mésaventures rocambolesques. De péril en péril, par chance ou par flair, cet explorateur un peu redresseur de torts sur les bords échappe au pire pour poursuivre de nouvelles tribulations.
Afin de ne pas déflorer les intrigues frappadingues, je me contenterai ici d’un petit inventaire en vrac des curiosités abracadabrantesques qui émaillent les récits.
Un peu trop porté sur l’huile, un robot qui range les chaussettes dans le frigo et qui se bouche les écouteurs à la cire. Des automates qui ne parlent plus qu’en vieux français médiéval et qui sont influencés par de mauvaises lectures (ouvrages de Sacher-Masoch, Jack l’éventreur et autres histoires morbido-diaboliques). Des animaux gigantesques que l’on chasse à la ciboulette, pour, une fois gobé par la bête, lui faire exploser les entrailles. Des pommes de terre de l’espace (je vous laisse imaginer…).
La copie de soi livrée dès qu’un météorite vous anéantit dans la chute. La reproduction multi-sexuée qui exige cinq sexes (pas un de moins) pour assurer une belle progéniture.
Enfin, côté babioles, Lem bat tous les records. La lotion qui efface les mauvais souvenirs. L’appareil qui exploite l’énergie des enfants (trop souvent gaspillée). Le poêle qui ralentit ou accélère le temps (pas facile de se loger à l’intérieur). Le cerveau électrique (un peu notre IA) équipé d’une batterie de bons mots et qui fait rire à tort et à travers son propriétaire. Le pulvérisateur qui vous désintègre pour mieux vous ressusciter. Mon préféré pour la fin : la cabine « décolérator » qui calme son usager hors de lui à cause d’une controverse publique.
Dernier conseil : de nos jours, on a tendance à lire vite. Il faudrait plutôt le déguster ce « bréviaire » avec lenteur.