« Merveilleux », magie et poésie dans la science-fiction
Le merveilleux dont il sera question ici n’est pas le merveilleux nunuche, mais le merveilleux mentionné en littérature pour définir le fantastique.
Un récit appartient à un univers fantastique dès lors que l’horizon d’attente du lecteur hésite entre le monde étrange (réel, où tout peut s’expliquer), et le monde merveilleux (irréel, où tout est possible).
En littérature française, à l’origine, le merveilleux consiste en une irruption féérique dans le monde médiéval. Par exemple, dans un château curieusement vide, un preux chevalier se prépare à affronter une guivre géante. Le monstre lui impose un « fier baiser » et, aussitôt, l’hideuse créature se transforme en une ravissante princesse blonde. Nous plongeons ici dans le merveilleux (cf. Le Bel Inconnu).
En fait, le merveilleux préexistait, bien avant le Moyen-âge. Lorsque, dans un conte d’Égypte antique, un naufrage de la Mer Rouge accoste l’île où l’accueille un serpent gigantesque barbu, qui lui parle avec bienveillance, le lecteur est bien entré dans un monde où règne le merveilleux surnaturel (cf. Le Conte du Naufragé).
Qu’en est-il dans la science-fiction ?
Quand Les gueules des vers, de JC Gapdy vous fait voyager dans le temps, voire vous dédouble, vous pénétrez grâce aux fameux vers dans le merveilleux surnaturel, où les lois (attestées) de la Nature sont transgressées. Ce surnaturel, « au-dessus de la Nature », autorise des lois étrangères à la Nature, autorise des phénomènes impossibles dans le cadre connu de ce qui nous entoure. Mais dans Les gueules des vers, on peut observer autre chose que le merveilleux surnaturel. Ce thriller magique est aussi marqué par le merveilleux surartificiel. La machine IA, Colorado, est un artefact dont les lois, les propriétés et les fonctions dépassent celles des appareils en circulation dans notre présent. Ces lois, ces propriétés, ces fonctions sont imaginaires, même si certaines ne sont pas impossibles dans un futur plus ou moins lointain. Bref, dans ce roman, les vers sont surnaturels et les IA héroïques surartificielles.
Reste à préciser le terme « magique ». Selon moi, la magie se distingue de la poésie. La magie opère, la poésie suggère. Dire : « je sors un lapin de mon chapeau », c’est du merveilleux magique. Dire : « si j’étais un oiseau, je me poserais sur ton épaule », c’est du merveilleux poétique. Par son impact sensible, la phrase donne à rêver.
Les enfants robots solitaires de Matt Dixon sont poétiques, car touchants dans leur univers enfantin, semblable à celui de Jean Tardieu. Leur créateur a écrit : « Maybe they’re lost, but I see them trying to make sense of the quiet wonder around them. I think that’s something we can all relate to. »
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